Une des caractéristiques de l’ethnocentrisme est l’incapacité à envisager que la vérité puisse exister en dehors des cadres interprétatifs sur lesquels s’appuie son jugement. Celui-la peut aller d’un aspect conservateur, voire réactionnaire et néocolonialiste à un jugement en apparence guidé par la prudence et l’esprit rationnel – mais d’une indéniable coloration scientiste.
Le cas qui nous occupe ici est intéressant à plus d’un titre puisqu’il met en rapport sciences ‘dures’ – à savoir réputés objectives et inattaquables quant à leur adéquation à la réalité – et sciences humaines – dont le déclin irréversible de l’humanisme remettrait en question la validité. D’autre part, nous retrouvons sous la guise de l’ethnocentrisme ce que nous avons abordé à plusieurs reprises dans ces « Feuillets africains » : la superbe occidentale lorsqu’il est question d’appréhender l’Afrique en sortant des chemins battus du néocolonialisme.
On doit aux ethnologues Marcel Griaule et Germaine Dieterlen le retour et le début de l’effacement d’un impensé de la culture occidentale, depuis l’époque romaine, selon lequel l’Afrique a disparu des cartes mentales depuis que la triade Asie-Lybie-Europe a été remplacée par l’opposition dyadique Orient-Occident. L’Afrique s’est fondue dans l’Orient fourre-tout de l’imaginaire pour ne réapparaître qu’à l’époque moderne, notamment chez les ethnologues.
Ainsi Marcel Griaule et Germaine Dieterlen ont-ils rendu célèbres les Dogons – et réciproquement – ce peuple installé depuis le XIVe siècle au Mali pour éviter l’islamisation et dont l’animisme s’appuie sur une mythologie et une cosmogonie riches et complexes.
On a bien du mal à concevoir, ou alors on ne conçoit que trop bien, comment la pensée des supposés primitifs peut encore être considérée comme une pensée primitive après les travaux des ethnologues et la parution, notamment, de La pensée sauvage de Claude Lévi-Strauss en 1962… Il y expliqua en effet que chez tout peuple peut se rencontrer la pensée à l’état sauvage et que la distinction entre ‘civilisés’ et ‘sauvages’ n’est pas cardinale. Chez les premiers, la pensée sauvage a simplement été modifiée à des fins de rendement. En prouvant que la science n’est pas l’apanage de quelques peuples mais une caractéristique universelle de l’humanité dans l’espace et dans le temps, Lévi-Strauss a démontré que tous les aspects de l’esprit humain dont la science, la philosophie, la religion, l’art et la mythologie se rejoignent, chez les divers peuples, dans la même quête de connaissance.
En étudiant la mythologie dogon sous ses différents aspects, Marcel Griaule et Germaine Dieterlen y ont révélé la place centrale jouée par l’étoile Sirius.
Régis Poulet - Sirius nombril du monde Dogon
(source)
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